L’industrie de défense européenne doit se transformer pour fournir aux forces la masse, la vitesse et l’agilité indispensables à la défense collective. Alignée sur l’ambition OTAN (5 % du PIB pour la défense en 2035), l’Union Européenne prévoit 800 Md€ supplémentaires d’ici 2030, soit 12 % de croissance annuelle. L’opportunité – et le défi – industriels : produire 2 à 20 fois plus (et au-delà pour les drones), à coûts unitaires réduits.
Trois enjeux pour la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD)
- Répondre rapidement au besoin de la Smart New Affordable Mass
Pour assurer sa défense collective, l’Europe doit transformer son industrie autour de quatre priorités :- Mass : produire en série pour la haute intensité, à l’image de l’Ukraine (12 000 drones par jour)
- Affordable : réduire drastiquement les coûts grâce à des systèmes conçus selon le juste besoin et optimisés pour le budget - facteurs cibles de cinq à dix
- Smart : innover plus vite (semaines, mois), en cycles courts et agiles entre industriels et armées
- New : investir dans les nouveaux domaines clés (drones, espace, cyber, IA…) en accompagnement de la transformation des besoins des Forces
- Produire avec un écosystème de fournisseurs fragiles dans un contexte de montée en cadence
L’écosystème industriel de défense européen reste fragmenté et fragile. Il repose sur un tissu de PME et ETI souvent sous-capitalisées, à faibles marges (5 % de marge pour 20 % d'entre eux, des marges négatives pour 25 % d'entre eux) et fortement endettées. Cette base industrielle peine à monter en cadence, freinée par des goulots d’étranglement sur les sous-ensembles critiques (ex : mécanique, électronique, matériaux composites) et par des capacités d’investissement limitées. - Renforcer l’ambition d'une souveraineté européenne
Dans un contexte géopolitique incertain, produire européen est une nécessité stratégique pour renforcer notre résilience et notre souveraineté. Aujourd’hui, 50 à 60 % des achats de défense européens proviennent des États-Unis. Certains pays amorcent un virage vers des programmes ITAR-free et mutualisés à l’échelle européenne (ex. le choix Danois SAMP/T plutôt que Patriot).
Trois leviers d’accélération pour répondre aux besoins avec des solutions européennes
- Positionner les maîtres d’œuvre en architectes-intégrateurs d’écosystèmes agiles
Les grands maîtres d’œuvre et donneurs d’ordre publics doivent évoluer vers des modèles plus intégrés, collaboratifs et incrémentaux, associant start-ups et industries de grande série (ex. automobile). L’objectif : hybrider l'expérience, la force de frappe financière, la productivité industrielle et la disruption pour consolider une BITD européenne Next
Gen, dynamique et résiliente. - Consolider l'écosystème de fournisseurs européens
La montée en cadence de la BITD passe par : (1) la relance des maillons critiques, (2) la mutualisation des capacités industrielles, (3) la restructuration des segments fragiles, et (4) le financement ciblé des acteurs clés les plus performants. Ces efforts doivent générer des effets d’échelle et renforcer la performance opérationnelle (livraison à l’heure, qualité, cadence) et la résilience. - Miser sur la Tech et l’IA pour créer des ruptures
Parmi les neuf disruptions technologiques identifiées par l'OTAN, l’IA constitue un facteur clé de supériorité opérationnelle, dans les produits (systèmes autonomes, IA embarquée, capteurs intelligents) comme dans les opérations (analyse, décision, planification). Appliquée aux processus industriels, elle permet d’accélérer les développements, d’améliorer la productivité et d’élever la qualité des lignes de production.
D’ici 2030, l’industrie de défense européenne doit agir vite et massivement. C’est en conjuguant industrialisation de masse, innovation technologique et souveraineté stratégique qu’elle pourra déployer pleinement son potentiel.